vendredi 8 mars 2019

LE CRI SOURD DE L'ENFANT MUET


LE CRI SOURD DE L'ENFANT MUET





Maman dit que je suis un trésor
Et que mon âge est d'or
Que je suis l'espoir de demain
Et que je dois travailler dur à l'école

Et pourtant on me laisse dans la rue
Ai-je moins de valeur que les bijoux que maman garde dans son coffre bien fort ?
Suis-je moins important que la voiture que papa protège et entretient si précieusement ?

Et pourtant on les garde bien au chaud à l'intérieur
On me donne une pièce de 25 francs et me demande d'aller gambader dehors
Et moi insouciant, je souris de toutes mes forces
Fonçant sans attendre à ma perte

Qu'ai-je fait au Seigneur pour que maman ne m'aime pas ?
Pour qu'elle se débarrasse de moi dans son ventre ?
Comme si j'étais un colis indésirable
Elle me renvoya au fond du néant

Pour que sitôt sorti de son ventre elle m'abandonna, m'étrangla, ou me jeta ?
Pourquoi à moi qui n'ai pas demandé à voir le jour ?
On hypothèque si honteusement mes jours
Dur d'être enfant dans cette vie qui ne te comprend pas

Et pourtant personne ne parle...
Alors que ma voix est faible et sonne dans le vide

Un jour c'est ma belle-mère qui me torture
Un autre c'est "l'homme de foi" qui abuse de moi
Et pourtant il devait nous apprendre à être bon et pieux
Mais il m'a pris mon plus précieux

Et à la maison c'est encore pire
Car tonton se glisse souvent sous mes draps
Mais papa et maman êtes trop occupés par cette vie
Pour remarquer le calvaire que je vis

Maman je ne ris plus
Mes tantes sont devenues mes coépouses
Un ami de papa est à présent mon mari
Et je pleure jours et nuits dans cette chambre obscure
Pensant sans cesse à mes amies qui réussissent brillamment à l'école

Et pourtant j'étais bien
Et pourtant mes professeurs m'encourageaient
Alors que maintenant me voilà moi ce bébé, attendant un autre bébé
Et je pleure encore, seule dans le noir

Pieds nus je déambule sous le chaud soleil
Mes pieds me font mal mais j'en ai l'habitude
En fait je suis trop occupé à calculer
Calculer le montant qu'il me reste pour aller "verser"

Sinon le malheur de nouveau s'abattra
Sur moi qui souffre déjà autant
Demandez à mon corps l'ampleur de mon calvaire
Et il vous répondra à coup de fouets répétés

Envieux, je regarde mes semblables aller à l'école ou s'amuser
Ils sont si heureux que je souris moi aussi
Rêvant de ce jour où je serai comme eux
Mais au fond de mon coeur, je sais que ce jour, jamais ne viendra

Comme quand, dans ce froid qui m'empêche de dormir
Mes habits troués faisant office couverture
Je rêve que ma mère me prenne dans ses bras
Puis je souris et dors comme ça

Un fossé se serait-il créé entre nous les enfants ?
Pour que je pleure tout seul le soir
Aux mains de mes bourreaux toujours plus démoniaques
Et qu'au même moment quelque part, les enfants jouent et rient

Un homme me proposa une friandise
Les yeux pleins d'étoiles, je pensais déjà à un festin
Je devais fuir n'est-ce pas ?
Mais maman je ne savais pas

Qu'il voulait les bijoux que je portais
Qu'il voulait m'enlever très loin de toi
Que ma vie n'avait pas le même prix à ses yeux
Que ceux de ses enfants qui lui sont si précieux

Maman je suis faible et sans défense
Maman je ne peux pas lutter contre lui
Même quand il brandit sa machette sur moi
Et m'ôta la vie sans remord

Et pourtant je n'ai pas demandé à venir au monde
Mais pourtant je ne demandais qu'à être aimé et protégé
Et pourtant tu devais le savoir papa
Que la rue n'était pas faite pour moi

A présent papa veille sur maman
Et dis-lui de veiller sur mes petits-frères
Comme vous veillez tant sur votre travail
Comme vous veillez tant sur vos bijoux

Et pourtant que devais être le plus grand trésor
Puisque je représentais l'âge d'or
Mais mes cris sonnaient dans le vide
Comme le cri sourd d'un muet

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